Laboratoire de Génie Informatique et d’Automatique de l’Artois

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« Corps, prothèses et bio-objets » : l’art de laboratoire au Garage

L’université d’Artois invite quatre artistes à s’installer au Garage dans le cadre de « Béthune 2011 ». Une exposition-ovni où l’art emprunte à la science, où le corps est une frontière, où l’on se perd entre la femme-animal et le cerveau-végétal.Cette culture de laboratoire interpelle.

Paru dans La Voix du Nord,
PAR CHARLES-OLIVIER BOURGEOT

On en sort troublé, choqué, perplexe, peut-être passionné, sûrement pas indifférent. À se demander si l’on a bien vu de l’art ou l’exposition d’un laboratoire. « Corps, prothèses et bio-objets » va plus loin que la mise en scène de la science, insiste Benoît Mangin, artiste d’Art Orienté Objet et commissaire de l’expo, mais doit « introduire de l’imaginaire », une « vision », voire une « critique ». Il vous faudra de toute façon une médiation pour tenter de comprendre l’univers scientifique et dérangeant des quatre artistes de « bio-art ».

Commençons par l’entrée du Garage. Là où la reproduction de l’oreille interne de l’artiste Jun Takita est reliée au centre de la Terre. Elle changera de hauteur au fil des jours, des heures, voire des minutes. L’idée du Sens de l’équilibre est de montrer par un graphique que la distance nous séparant du centre de gravité évolue de quelques mètres, sans même s’en apercevoir, et que le corps est la frontière nous maintenant en équilibre.

L’artiste japonais présente aussi Light, only light dans une autre pièce du Garage. Une reproduction de son cerveau recouvert d’une mousse végétale OGM, bioluminescente. Dans le noir, ce drôle d’objet devient de fait émetteur de lumière.

On se sera d’abord arrêté sur les installations du Belge Martin uit den Bogaard, cet ancien sculpteur qui s’est passionné pour la vie du corps après la mort. L’une de ses installations ressemble à première vue à un cadavre d’animal enfermé dans une boîte. Sur ce petit kangourou, la décomposition n’a pas de prise, sans contact qu’il est avec l’extérieur. L’installation permet surtout de capter l’énergie de son corps, même mort, grâce à un millivoltage transformé en son et variable dans le temps. Une expérience qu’il a poussée plus loin avec le scientifique Gildas Morvan, maître de conférences à l’université de l’Artois, en disposant plusieurs souris mortes le même jour, chacune dans une boîte refermée d’un à 10 jours après leur décès. Le résultat donne une installation dont l’intérêt artistique devrait en laisser plus d’un perplexe.

Le clou de l’exposition arrive ensuite avec le duo « Art Orienté Objet » qui présente 15 ans de travail partagés entre l’étude du comportement animal et le rapport de l’homme à celui-ci. D’un best of de tatouages bêtes aux Etats-Unis en 1996 aux prothèses utilisées pour entrer en contact avec un chat, un cerf ou un cheval. Ils ont poussé l’expérience jusqu’en laboratoire avec la transformation de la femme du duo en centaure, cette créature mythologique mi-homme, mi-cheval, lui injectant progressivement du sang de l’animal jusqu’à la performance hybride Que le cheval vivediffusée sur écran.

Lisa Bufano a, pour sa part, franchi la barrière du corps humain en premier lieu par nécessité. Cette danseuse amputée à 21 ans des pieds et des doigts par une infection bactérienne montre dans la dernière pièce du Garage des vidéos-performances. Elles y dévoilent ces prothèses qui lui permettent de surmonter, voire dépasser, la frontière de son handicap. •

« Corps, prothèses et bio-objets », jusqu’au 18 décembre au Garage. Entrée libre. Un colloque international et pluridisciplinaire sera organisé les 1er décembre et 2 décembre.